Inauguration de la place de la Synagogue
Beaucoup de monde, de plaisir et d’émotion ce matin lors de l’inauguration de la place de la Synagogue, piétonnisée et réaménagée.
Fruit d’une longue saga, avec notamment quatre ans et demi de procédure judiciaire pour surmonter des recours, le nouveau visage de la place de la Synagogue exprime une double ambition. La cure de jouvence de cette place, couplée à une piétonnisation, est le fruit d’une saga qui a pour décor ce site chargé d’une histoire passionnante. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, ce lieu était occupé par les imposantes fortifications dont Genève s’était dotée au fil des siècles.
Après la révolution radicale de 1846, les nouvelles autorités décident de débarrasser la vénérable citadelle calviniste qu’était Genève de ce corset militaire, qui ne lui avait d’ailleurs servi à rien lors de l’annexion française quelques décennies plus tôt (ndlr, 1798). Les autorités de l’époque profitent de ces espaces tout juste dégagés autour de la Cité pour que les confessions autres que le protestantisme puissent avoir pignon sur rue et droit de cité. La liberté de culte instituée par la constitution fazyste de 1847 trouve ainsi une traduction concrète et tangible dans le nouveau tissu urbain.
La Synagogue est bâtie en 1857 et 1858 par Jean-Henri Bachofen. Cet entrepreneur trouve son inspiration dans l’orientalisme qui caractérise l’architecture des sanctuaires du même type érigés à l’époque ailleurs en Europe, notamment en Allemagne. Les images d’archives, datant d’environ 1860, que nous possédons des lieux sont très surprenantes pour notre regard. Le long du futur boulevard Georges-Favon, on voit des successions de terrains vagues, pratiquement nus, d’où émergent deux bâtiments flambants neufs et isolés : la Synagogue et, au loin, ce qu’on appellera plus tard le Sacré-Cœur, qui est à l’origine un temple maçonnique. Ces édifices sont donc les pionniers de l’urbanisation du quartier.
Sur d’autres terrains libérés par la démolition des fortifications se bâtissent à la même période, en une décennie, l’église anglicane de la place Dorcière, la basilique catholique Notre-Dame à Cornavin ou encore l’église russe aux Tranchées. C’est un moment clé de l’histoire de notre ville. Genève décide de se développer en abattant ses murailles, en s’ouvrant à sa région et en s’ouvrant aussi au vaste monde et à sa pluralité. Notre ville n’a cessé depuis lors de grandir et de se transformer, pour le meilleur et parfois pour le pire.
Ici, place de la Synagogue, un nouvel aménagement a été réalisé à la fin de la seconde guerre mondiale. Il porte la signature de Maurice Braillard, une véritable star de l’architecture genevoise du XXe siècle, avec une fontaine réalisée par Alfred Cassani surmontée par une sculpture de Willy Vuilleumier.
Par la suite, Genève s’est aussi beaucoup transformée pour faire place à cette autre star de l’après-guerre : la voiture. Et très vite, c’est un écrin de carrosseries en stationnement qui a enserré l’aménagement soigné de Maurice Braillard ainsi que le véritable monument qu’est la Synagogue Beeth Yacov, reconnue de première importance en 1989 puisqu’elle a fait l’objet d’une mesure de classement.
En 2008, la communauté israélite a demandé à la Ville de bien vouloir piétonniser la place de la Synagogue. Cette démarche a été suivie l’année suivante par une pétition, initiée par un restaurateur voisin et adressée au Conseil municipal. Celui-ci est majoritairement entré en matière, tout comme le Conseil administratif de l’époque. Mais selon le Canton, il fallait attendre la fin du chantier du tram sur la rue du Stand qui bouleversait le quartier au début des année 2010.
Or, il a fallu patienter davantage. Une fois le projet de réaménagement dessiné et validé, l’arrêté de circulation qui permettait de piétonniser la place a fait l’objet d’un recours. Les opposants (ndlr, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Genève – CCIG) sont montés jusqu’au Tribunal fédéral qui leur a finalement donné tort. Notre belle place de la Synagogue a ainsi occupé des juges durant quatre ans et demi.
Une fois justice rendue en décembre 2019, une piétonnisation a pu être mise en œuvre avec un aménagement provisoire dans le cadre du premier déconfinement en mai 2020.
C’est peu après que j’ai pris mes fonctions. Et j’ai demandé que le projet d’aménagement définitif soit réactualisé, avec davantage de végétalisation et davantage de surfaces désimperméabilisées. Une fois le crédit de réalisation voté par le Conseil municipal en septembre 2021, le tout a été construit en une année, entre avril 2023 et avril 2024.
Le nouveau visage de la place de la Synagogue exprime une double ambition. D’une part, il s’agit de respecter et valoriser un important patrimoine architectural et historique. D’autre part, il s’agit d’adapter les lieux aux réalités du XXIe siècle, marqué par le changement climatique.
D’emblée, le projet consistait à réhabiliter la place, telle qu’elle avait été imaginée par Maurice Braillard, en conservant ses éléments significatifs : le dallage central, qui a été restauré, la fontaine et les bancs en pierre. Mais aussi en concrétisant enfin son idée originale de créer une voûte végétale. Les platanes ne seront donc plus taillés en « têtes de chat » mais aiguillés dans leur croissance pour former une sorte de toiture végétale. Cette intention inédite en ville de Genève ne deviendra visible que dans quelques années. C’est le temps que la nature nous impose.
Les cinq platanes manquants de la place ont été renouvelés et deux autres sujets ont été plantés à l’arrière de la Synagogue. Des végétaux ont par ailleurs été plantés au pied des arbres et une nouvelle plate-bande a été créée au bout de la rue du Général-Dufour.
La place elle-même a été entièrement aplanie, grâce à une suppression des trottoirs, si bien que sa vocation piétonne est clairement visible. A ma demande, les enrobés envisagés dans un premier temps au cœur de la place ont été remplacés par un revêtement clair et perméable en gravier stabilisé. Cela contribue – tout comme la végétation – à la lutte contre les îlots de chaleur urbains ainsi qu’à la résilience de notre ville lors de précipitations intenses.
Autre aspect innovant, les nouveaux arbres sont plantés dans des fosses continues, liées entre elles et couplées à une fosse d’arrosage. Le sous-sol a fait l’objet d’autres réalisations : un réseau de raccordement pour les eaux pluviales a été créé, tandis que le réseau d’assainissement des eaux usées a été reconstruit.
Enfin, des compléments sont attendus cet automne avec un nouvel éclairage public adapté au caractère piéton du lieu. Il permettra de supprimer les câbles de l’actuel système suspendu et il mettra en valeur les éléments majeurs de la place : la Synagogue et la fontaine.