Même si la Ville de Genève n’était pas commanditaire de ce chantier, je voudrais saluer le travail accompli par les équipes qui ont réalisé cet ouvrage. J’en mesure la difficulté et la complexité. Tout le monde le sait : en plus de conditions de travail exigeantes pour le personnel, la construction en souterrain réserve très souvent des surprises et des aléas, et ce chantier de la route des Nations n’en a pas été épargné. Je peux bien imaginer qu’il a fallu beaucoup de ténacité pour surmonter les difficultés multiples qui se sont présentées au fil de ces longues années, depuis l’automne 2017. J’éprouve du respect et de l’admiration face au travail, surtout quand je le sais difficile, et je tiens donc à le saluer, même si je m’apprête aussi à faire entendre une voix plus critique.

En tant que magistrate de la Ville de Genève chargée de l’aménagement, des constructions et de la mobilité, je perçois une énorme inquiétude dans les quartiers de la rive droite qui sont potentiellement concernés par ce nouvel axe routier. Et je dois dire que je partage à titre personnel ces craintes qui me parviennent, tant de la part d’associations d’habitants que de simples particuliers – et également du Conseil municipal.

Ce nouvel ouvrage en grande partie souterrain permettra au cœur du Grand-Saconnex d’être épargné par le trafic motorisé et d’être apaisé. Mais pour combien de temps ? La voiture n’est pas toujours compatible avec la nature, mais toutes deux ont en commun d’avoir horreur du vide. Ainsi, je crains fort que l’accalmie tant espérée soit de courte durée du côté de la place de Carantec… comme on l’a vu avec la tranchée couverte de Vésenaz.

Pour ce qui concerne la Ville de Genève, force est de constater que cette nouvelle artère permet au trafic de se déverser presque sans écueil en provenance d’une autoroute qu’on projette d’élargir et en direction de la moyenne urbaine qui se trouve en pleine ville. Sur la rive droite de la Ville de Genève, cette ceinture traverse des quartiers très peuplés en empruntant des artères comme l’avenue Giuseppe-Motta, la rue Hoffmann ou la route de Meyrin. Tous ces quartiers environnants regroupent plus de 65’000 habitants.

En plus des nombreux logements, on trouve au bord de cette ceinture des établissements scolaires comme les écoles Chandieu, Liotard ou Trembley ou un centre sportif comme celui de Varembé. Ce sont des équipements publics qui génèrent de nombreux flux. Il s’agit notamment de flux piétons qui ont besoin de traverser ce parcours éminemment routier dessiné en pleine ville. Par ailleurs, depuis l’avenue Giuseppe-Motta, il est possible de se faufiler en voiture jusqu’aux abords immédiats de la gare Cornavin, via la place de Montbrillant qui pourrait être fermée au trafic aujourd’hui déjà, mais ne l’est pas.

Je sais que les mêmes craintes s’expriment au Grand-Saconnex, commune voisine et amie, ainsi qu’au Petit-Saconnex, sur le territoire de la Ville. Une après une, les associations expriment leur inquiétude de voir le réseau routier principal devenir encore plus engorgé qu’il ne l’est déjà et de voir le réseau routier de quartier devenir le réceptacle d’une percolation du trafic.

De plus, en attendant le chantier du tram, personne n’est très rassuré en apprenant que la route de Ferney restera ouverte au trafic motorisé cette année encore, doublonnant avec la route des Nations qui était censée prendre le relais pour permettre de réserver un tronçon de la route de Ferney aux transports publics et à la mobilité douce.

Je ne veux pas jouer les rabat-joie. Historiquement, en 2004 – c’est le Grand Conseil qui avait exigé ce projet de route des Nations comme préalable à l’extension de la ligne de tram en direction du Grand Saconnex – prolongement qui a été par la suite planifié jusqu’à Ferney. Ce renforcement transfrontalier de la desserte en transports publics est en soi une excellente nouvelle et va aussi permettre dans son sillage des améliorations qualitatives en faveur des mobilités actives. C’est un projet auquel la Ville participe au travers du département que je préside. A cet effet, un crédit brut de près de 48 millions de francs a été demandé en octobre 2023 au Conseil municipal pour les aménagements liés au tram.

Il n’en reste pas moins que c’est pour le moment une vive inquiétude qui prédomine dans les quartiers concernés. J’ai demandé aux équipes du département de porter la plus grande attention à tout ce secteur de la Ville. Les services disposent de moyens pour monitorer les flux routiers et leurs évolutions.

En fonction des observations recueillies, je m’attends à ce que nous devions procéder à des ajustements, à des correctifs, qui prendront sans doute la forme de mesures d’apaisement afin de préserver autant que faire se peut la tranquillité et la sécurité des quartiers. Cela me semble absolument essentiel. La Ville s’engage à faire son possible, dans la mesure de ses compétences institutionnelles, lesquelles ne sont pas illimitées, je le rappelle. Je rappelle aussi que ces mesures d’apaisement ne se décrètent pas avec un effet immédiat. Elles sont soumises à des procédures minutieuses auprès du Canton, au terme desquelles elles font très souvent l’objet de recours et, donc, de longues procédures judiciaires.

Je compte sur l’engagement des associations locales pour me faire remonter leurs propres observations. J’espère aussi pouvoir compter sur la bonne collaboration des autorités cantonales pour trouver des solutions en bonne intelligence le cas échéant.